Dans la foulée des débats sur la place des chiens de type pitbull, la Ville de Brossard a annoncé mardi qu’elle entendait modifier ses règlements pour interdire ces animaux sur son territoire. Le maire, Paul Leduc, en a fait l’annonce en compagnie d’un père de famille, Bernard Biron, dont la fille a été victime des crocs d’un animal classé parmi cette race en septembre 2015.

Le débat sur les pitbulls fait à nouveau la manchette depuis qu’une Montréalaise de 55 ans, Christiane Vadnais, est décédée à la suite d’une attaque le 8 juin dernier. Réputés pour leurs mâchoires d’acier, les chiens apparentés aux pitbulls ont longtemps été utilisés pour des paris lors de combats entre animaux.

En conférence de presse, le maire de Brossard a indiqué que 89 % des attaques qui conduisent à des morsures sont le fait de pitbulls. De quelle étude provient ce chiffre ? Selon le responsable des communications de la Ville, le maire se base sur les données proposées par DogsBite.org. Il s’agit en fait d’un site américain privé qui milite ardemment pour le contrôle des pitbulls.

Pour Me Alanna Devine, de la Société protectrice des animaux (SPCA), il est préférable de se baser sur des études scientifiques sérieuses. « L’association des vétérinaires du Canada et celle des États-Unis ont montré qu’on ne pouvait pas déterminer le comportement d’un chien strictement par sa race. D’ailleurs, il n’est pas simple du tout de déterminer à quelle race appartient un chien, même pour des experts. »

Pour la SPCA, la vraie solution passe par une action en profondeur et beaucoup moins tape-à-l’oeil que des interdictions de races. « Il existe des solutions pour prévenir les morsures, mais c’est moins simple que de simplement interdire une race de chien. Les municipalités doivent encadrer qui peut avoir un chien et comment il doit être gardé. »

Sentiment de sécurité

Sous ce nom de pitbull, on désigne généralement quatre races différentes et des bâtards qui leur sont apparentés.

En décembre 2014, la SPCA s’était indignée lorsque l’arrondissement d’Outremont avait décidé de discriminer les pitbulls. La porte-parole de la Société, Anita Kapuscinska, maintient que ce n’est pas une meilleure idée maintenant. « Cela donne un faux sentiment de sécurité. Il y a des chiens qui sont encore plus puissants que les pitbulls et on ne les interdit pas pour autant ! Après des interdictions, on a souvent des statistiques qui montrent que les morsures ne diminuent pas. »

En Ontario, une loi a été adoptée en 2005 pour réduire la présence du pitbull sur le territoire de la province. Le gouvernement avait fait en sorte de bloquer l’importation et la reproduction de ces animaux. Depuis, ces chiens sont devenus beaucoup plus rares.

En 2005, il y avait eu 1411 cas de morsures à Toronto, comparativement à 338 en 2014. Mais rien ne permet d’indiquer avec précision que ces chiffres soient directement reliés aux pitbulls. De plus, toutes les morsures ne sont pas forcément dénombrées par les villes puisqu’il s’agit d’abord de faits médicaux. Sans compter qu’il n’est pas facile, à la suite d’une morsure, de déterminer quelle race de chien est en cause.

Au Québec, plusieurs villes et arrondissements ont déjà interdit les pitbulls et leurs croisements. C’est le cas notamment d’Anjou, Beauharnois, Bois-des-Filion, Candiac, Saint-Léonard, Delson, Drummondville, Hampstead, Hemmingford, Joliette, Lachute, La Tuque, Marieville, Mascouche, Oka et Otterburn Park.

À Québec, le maire Régis Labeaume s’était empressé de dire il y a quelques jours qu’il souhaitait pour sa part interdire ces chiens à Québec. Certaines municipalités sont revenues sur leurs décisions, dont l’arrondissement de Lachine.

Adopter un pitbull ?

La SPCA de Montréal offre en adoption un pitbull abandonné prénommé Bruce. Trouvera-t-il preneur ?

Pour Me Devine, les règlements anti-pitbulls font l’économie de montrer du doigt « les propriétaires irresponsables » envers leurs animaux.

Selon une vaste étude de l’American Veterinary Medical Association (AVMA) datée de mai 2014, il est impossible de vérifier statistiquement que les pitbulls attaquent plus que d’autres chiens.

« Bien qu’il faille noter que d’autres races à la mode comme les Dalmatiens ou les Setters irlandais ne semblent pas être présentes de la même façon dans les statistiques, n’importe quelle estimation des risques en fonction de la race doit être considérée en fonction de la prévalence de la race dans un milieu donné. » Ainsi, entre 1990 et 1995, la popularité soudaine du rottweiller a influencé les statistiques. Plus de chiens d’un type, plus de risques.

Des études comportementales ont par ailleurs montré, toujours selon l’AVMA, que les petits chiens et ceux de taille moyenne, comme les colleys et les épagneuls, comptaient au nombre des chiens les plus susceptibles de mordre. Malgré tout, « les propriétaires de chiens de type bull doivent faire face à une forte stigmatisation, bien que des études contrôlées n’aient pas permis de classer cette race comme disproportionnellement dangereuse », concluent les vétérinaires.

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