
Le gouvernement Legault a choisi de s’en remettre au bon jugement des municipalités pour encadrer les chiens dangereux, en vertu du règlement présenté mercredi par la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, qui a choisi de laisser beaucoup de pouvoirs et de latitude aux municipalités.
La municipalité où un tel incident se serait produit pourrait décréter que ce chien doit être jugé « potentiellement dangereux ». Mais elle pourrait tout aussi bien ne rien faire du tout.
Cependant, cette municipalité serait tenue d’ordonner au propriétaire de faire euthanasier son chien si ce dernier a infligé des blessures « graves » à sa victime ou s’il l’a agressée au point de provoquer sa mort, comme ce fut le cas pour Christiane Vadnais en 2016 à Montréal.
En vertu de ce règlement, le gouvernement Legault s’en remet aux municipalités pour encadrer les chiens dangereux.
Québec renonce donc à toute forme d’interdiction de posséder un chien potentiellement dangereux et se refuse à cibler toute race.
En campagne électorale, l’an dernier, le premier ministre François Legault reprochait pourtant à l’ancien gouvernement libéral de se délester de cette responsabilité au profit des municipalités. Il se montrait même prêt à interdire les chiens dangereux.
« Il faut faire plus de prévention, essayer de mieux identifier les chiens dangereux, les interdire, prévoir des pénalités qui vont être dissuasives et prendre le leadership à Québec plutôt que de laisser ça aux municipalités », disait-il le 23 août 2018.
Aujourd’hui, il s’inscrit parfaitement dans la lignée du gouvernement précédent, qui s’était d’abord engagé à interdire les pitbulls et autres chiens dangereux, avant de reculer pour confier aux municipalités le mandat d’encadrer ces animaux.
Au bout du compte, l’ex-ministre responsable de ce dossier, Martin Coiteux, avait plaidé « l’absence de consensus scientifique » pour renoncer à donner plus de mordant à sa loi, adoptée en juin 2018.
Le règlement déposé mercredi fait suite à cette loi et encadre son application. En conférence de presse, mercredi, la ministre Guilbault a dit se fier au jugement et au « gros bon sens » des autorités municipales. L’application des mesures « sera à la discrétion des municipalités », a-t-elle convenu, se disant soucieuse de respecter l’autonomie municipale.
L’article 9 du règlement stipule qu’un chien « qui a mordu ou attaqué une personne ou un animal domestique et lui a infligé une blessure peut également être déclaré potentiellement dangereux par une municipalité locale », qui pourra aussi s’abstenir.
À l’article 10, une municipalité devra cependant prendre des mesures pour faire euthanasier un chien « qui a mordu ou attaqué une personne et qui a causé sa mort ou lui a infligé une blessure grave ». Le règlement spécifie qu’une blessure jugée « grave » est celle qui est susceptible d’« entraîner la mort ou résultant en des conséquences physiques importantes ».
Un enfant âgé de 11 ans pourra être laissé seul avec un chien classé « dangereux ». Seuls les enfants de 10 ans et moins devront être « sous la supervision constante d’une personne âgée de 18 ans et plus » en présence d’un animal jugé menaçant, stipule l’article 23.
Encadrement
Si une municipalité décrète qu’un chien est classé « potentiellement dangereux », ce chien devra, s’il se trouve dans un endroit public, porter en tout temps une muselière-panier et être tenu en laisse, une laisse qui ne devra pas excéder 1,25 mètre, à moins que le chien ne se dégourdisse dans une aire d’exercice canin.
Sur un terrain privé, le propriétaire d’un chien portant l’étiquette « dangereux » devra prévoir « un dispositif qui empêche ce chien de sortir des limites » d’un espace non clôturé ou « dont la clôture ne permet pas de l’y contenir ». Une affiche devra indiquer la présence du danger. Ce règlement entrera en vigueur en mars 2020.
Selon le type d’infraction, les amendes peuvent aller de 250 $ à 10 000 $. Les municipalités désireuses de se doter de normes plus sévères que celles inscrites dans la loi 128 et son règlement seront libres de le faire.
Selon le cas, les vétérinaires et les médecins seront tenus de rédiger une déclaration, expédiée à la municipalité, lorsqu’ils sont témoins d’une blessure par morsure d’un chien, infligée à un autre animal ou à une personne.