
«
C’est
une
des
pires
journées
de
l’année.
»
De
retour
d’une
intervention
où
elle
a
récupéré
un
chaton
abandonné
et
un
pigeon
blessé,
Kim
St-Hilaire
s’accorde
un
moment
de
répit
dans
l’habitacle
de
son
camion,
stationné
à
l’ombre.
Patrouilleuse
pour
la
Société
pour
la
prévention
de
la
cruauté
envers
les
animaux
(SPCA)
de
Montréal,
elle
sillonne
les
rues
pour
récupérer
les
animaux
que
leurs
propriétaires
ne
peuvent
plus
garder.
Et
en
ce
1er
juillet,
c’est
le
début
d’une
semaine
éprouvante
pour
les
équipes
sur
le
terrain.
«
Ce
n’est
pas
parce
que
les
gens
veulent
abandonner
leur
animal.
C’est
parce
qu’ils
n’ont
pas
le
choix,
»
estime
la
patrouilleuse.
Depuis
plusieurs
semaines,
la
SPCA
multiplie
les
appels
à
la
collaboration
pour
éviter
une
«
surcharge
critique
»
de
ses
refuges.
Mais
l’afflux
est
inévitable.
Pour
les
quatre
premiers
mois
de
2025,
l’organisme
a
accueilli
plus
de
1200
animaux,
une
hausse
de
26 %
par
rapport
à
la
même
période
l’an
dernier.
«
Les
raisons
d’abandonner
un
animal
évoquées
sont
presque
toujours
d’ordre
financier
ou
liées
au
logement
»,
confirme
Laurence
Massé,
directrice
générale
de
la
SPCA.
«
Pour
donner
une
idée,
52 %
des
ménages
québécois
ont
un
animal
de
compagnie,
mais
seulement
4,2 %
des
propriétaires
acceptent
les
chiens
sans
condition,
précise-t-elle.
Donc
dans
un
contexte
de
crise
du
logement,
tout
ça
est
exacerbé.
»
Kim,
patrouilleuse,
voit
cette
réalité
de
près.
Chats,
chiens,
lapins,
rats,
parfois
même
de
la
faune
sauvage
et
des
animaux
exotiques…
Elle
répond
aux
appels
de
propriétaires
démunis.
«
Il
arrive
que
les
gens
nous
appellent
eux-mêmes.
Ils
n’ont
pas
trouvé
de
logement
qui
accepte
les
animaux,
n’ont
pas
de
voiture,
ou
plus
les
moyens
de
se
déplacer.
»
D’autres
fois,
ce
sont
les
concierges
ou
les
nouveaux
locataires
qui
signalent
la
présence
d’un
animal
laissé
derrière,
seul,
dans
un
appartement
vidé.
Le
poids
du
dernier
jour
Beaucoup
attendent
la
dernière
minute,
persuadés
qu’ils
réussiront
à
trouver
une
solution
ou
à
faire
adopter
leur
animal
par
eux-mêmes.
«
Les
gens
repoussent,
espèrent
jusqu’à
la
fin.
Et
puis,
la
date
arrive
»,
résume
Kim.
«
Dans
les
pires
journées,
je
peux
recevoir
jusqu’à
15
appels.
En
moyenne,
c’est
7
à
8
interventions
par
patrouilleur.
On
est
deux
le
jour,
un
la
nuit
»,
explique
la
patrouilleuse.
Elle
se
souvient
de
ces
nuits
où,
à
l’époque
où
elle
était
de
garde,
elle
trouvait
des
animaux
abandonnés
dans
les
cages
d’escalier,
dans
des
boîtes
ou
même
sur
les
balcons.
Résultat
:
les
abandons
s’accumulent
dans
la
nuit
du
1er
au
2
juillet.
«
Le
matin,
on
retrouve
les
animaux
laissés
derrière.
»
Il
y
a
les
locataires
qui
ont
été
évincés,
aussi.
«
Et
ça,
c’est
épouvantable.
Ces
gens-là,
ils
le
savaient
depuis
des
mois.
Il
y
a
eu
un
jugement,
des
lettres
de
rappel.
Et
pourtant,
je
les
ai
vus,
le
jour
même,
sur
leur
palier,
un
carton
dans
les
bras
avec
leur
animal
à
l’intérieur,
encore
en
train
d’appeler
à
gauche
et
à
droite
pour
essayer
de
loger
leur
animal
»,
déplore
la
patrouilleuse.
Pour
Laurence
Massé,
ces
abandons
ne
sont
pas
le
fait
de
propriétaires
négligents.
Au
contraire.
«
Ce
sont
des
gens
qui
se
sont
toujours
bien
occupés
de
leurs
animaux,
qui
les
ont
aimés,
soignés.
Mais
la
seule
raison
pour
laquelle
ils
les
abandonnent,
c’est
parce
qu’ils
ne
trouvent
pas
de
logement,
souffle-t-elle.
Ce
sont
des
situations
profondément
déchirantes.
»
Un
métier
avec
les
bêtes,
mais
surtout
avec
les
humains
Le
travail
de
Kim
St-Hilaire
ne
se
limite
pas
à
placer
un
chat
dans
une
cage
de
transport.
«
J’ai
un
contact
très
bref
avec
l’animal,
explique-t-elle.
Mais
avec
l’humain,
c’est
autre
chose.
Mon
travail,
c’est
d’abord
de
rassurer.
D’écouter.
»
Elle
parle
d’une
détresse
palpable.
Des
gens
en
larmes,
des
familles
qui
s’excusent
mille
fois.
«
C’est
un
mélange
de
peine
et
de
colère.
Je
le
ressens
aussi.
Je
ressens
ce
qu’ils
ressentent,
confie-t-elle.
Il
y
a
des
journées
très
difficiles,
comme
aujourd’hui
»,
ajoute-t-elle.
Certaines
interventions
la
marquent
davantage
que
d’autres.
«
Quand
j’ai
un
appel
et
que
je
dois
aller
chercher
une
dizaine
de
chatons
non
sociables
dans
une
maison
insalubre
et
courir
dans
la
cochonnerie
pour
les
attraper,
je
vis
des
situations
que
personne
ne
vit
!
»
lance-t-elle,
mi-rieuse,
mi-fatiguée.
Cette
fatigue,
Laurence
Massé
la
connaît
bien
aussi.
«
On
voit
dans
les
médias
une
ou
deux
histoires
poignantes,
mais
notre
équipe
de
réception,
elle,
en
traite
une
à
l’heure.
On
voit
des
familles
brisées,
des
animaux
en
détresse.
C’est
extrêmement
exigeant.
»
Et
demain
?
Les
appels
vont
continuer.
Les
gens
déménagent
aujourd’hui.
Ce
soir,
ils
dormiront
ailleurs.
«
C’est
souvent
seulement
après
qu’ils
réalisent
qu’ils
n’ont
pas
de
solution
pour
leur
animal.
»
Dans
son
camion,
entre
deux
interventions,
Kim
résume
:
«
On
est
là
pour
les
animaux,
mais
c’est
aussi
du
soutien
aux
communautés
vulnérables
qu’on
fait.
»