Tireur d’élite. Casque bleu. Expert en sécurité dans les zones à haut risque. Mais, surtout, chien de guerre. Depuis 36 ans, Max LaCroix fait son nid dans des pays déchirés par des conflits armés. Haïti, Afghanistan, Sri Lanka, Libye. Toujours assoiffé de justice, l’arme à la main. Des séjours au creux de l’enfer, dans ce que l’humanité a de plus sombre. Mais à la recherche de quoi, au juste ?

Lorsque ce natif de Montréal a pris la plume pour tracer les premiers mots de ce qui deviendrait Chien de guerre, publié aux Éditions du Journal (Groupe livre Québecor), il était en mission en Libye. « Je suis las et fatigué… écoeuré. […] J’ai besoin de témoigner et d’écrire pour ne pas vomir. »

La souffrance et « les horreurs dont les hommes sont capables », ce sexagénaire enchaînant les contrats dans les domaines militaire et paramilitaire les a vues de très près. Et souvent. « Je la sens [cette souffrance] », énonce-t-il, exténué d’être revenu de chacune de ses missions avec « une cicatrice à l’âme ».

Près du bunker où il se trouvait en Libye il y a quelques années, des dizaines de milliers de migrants africains étaient agglutinés. « Parqués », écrit-il, « comme du bétail » — en rêvant de l’Europe. Des forces vives prêtes à être « achetées, abusées, utilisées et forcées d’aller se battre », pendant que les grandes puissances de ce monde s’entredéchiraient pour mettre le grappin sur les ressources pétrolières du pays et ses juteux contrats de reconstruction.

« Que faisons-nous réellement dans ces pays ? Qu’est-ce que j’y faisais véritablement ? » se demande-t-il. Pourtant, pour cet homme ravagé par la souffrance et l’infinie tristesse de sa mère haïtienne — marquée au fer rouge par les assassinats de ses frères aux mains des Tontons Macoutes —, le désir de « vengeance » et l’envie d’en découdre avec les truands de la planète semblaient, au départ, plus forts que tout.

« Combattre le mal était ma vocation », résume-t-il. En s’attaquant « aux souffrances et aux injustices subies par les autres », l’homme de guerre — qui signe ce livre sous le pseudonyme de Max LaCroix pour des raisons de sécurité — explique qu’il affrontait en fait sa « propre douleur », en répondant à sa « soif insatiable de vengeance ».

Mais après des années à avoir vécu la guerre de l’intérieur, fusil de sniper à l’épaule — une façon peut-être aussi de « jouer à Dieu » —, le tireur d’élite dit ne plus comprendre pourquoi il se bat. « Où sont les progrès ? » lance-t-il en entrevue au Devoir. « Où sont les bénéfices pour les populations ? Je ne les vois pas. »

Dignité

Alors, pourquoi ne pas essayer autre chose ? Plutôt que de consacrer des milliards de dollars à la défense et aux armements, pourquoi ne pas donner du travail à tous ceux qui ne rêvent que de dignité ? « Si on me permettait d’investir une fraction [des budgets militaires] dans une autre option […] en allant voir les gangsters et en leur demandant s’ils ne veulent pas travailler », les résultats seraient probablement plus probants que ce que l’on voit actuellement, estime celui qui a lui-même flirté avec la criminalité et la drogue dans sa jeunesse.

Parce qu’au final, ajoute-t-il, qu’on soit Africains, Américains ou Asiatiques, la plupart d’entre nous n’aspirent qu’à vivre en sécurité, avec un minimum de confort matériel et en rêvant du meilleur pour nos enfants. « Est-ce qu’on pourra sauver tout le monde ? Non. Mais je suis presque sûr que 99 % seront sauvés en les occupant, en leur redonnant une dignité et un travail. »

Missions

Au fil des 263 pages du livre, l’auteur nous entraîne dans les coulisses de ses missions, nous racontant tour à tour le mandat qui lui avait été confié de transporter des poches de hockey remplies de plus d’un million de dollars entre le Pakistan et l’Afghanistan ou encore cette tâche rocambolesque d’arrêter des dizaines de tueurs à gages en Haïti, avant que l’ONU — craignant un bain de sang — se dégonfle. Ou, sur une note plus légère, cette mission d’assurer la sécurité d’un invité spécial en Afghanistan : le grand Mohamed Ali.

En de nombreux endroits de son récit, l’auteur adresse une critique particulièrement acerbe à l’ONU, une organisation avec laquelle il a étroitement collaboré, mais qu’il juge « dysfonctionnelle » et axée sur les déclarations plutôt que sur l’action. « C’est un animal préhistorique, qui se déplace lentement, qui a un énorme appétit et un très petit cerveau », ajoute-t-il en entrevue.

Mais avant de déposer les armes, probablement l’an prochain, l’expert en sécurité s’immergera quelques mois encore dans la guerre. Bien qu’il soit à n’en point douter « accro à l’adrénaline », l’homme assure qu’il ne changera pas d’idée et que le repos sera sa prochaine tanière. « J’ai décidé que toute cette folie était terminée pour moi. »

Chien de guerre

Max LaCroix, Les Éditions du Journal, Montréal, 2024, 263 pages

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