
La pandémie a grugé les revenus de la Fondation Mira à un point tel que les personnes qui ont besoin d’un chien d’assistance ou d’un chien-guide doivent désormais attendre un an de plus avant de s’en faire attribuer un.
Francine Poirier fait partie des centaines de personnes au Québec actuellement en attente d’un de ces précieux animaux. Aveugle et privée de l’usage de ses jambes, elle a besoin d’un chien pour sortir de chez elle et faire ses activités, mais aussi pour ramasser les objets qu’elle échappe par terre dans la maison. Or, Madame Mira, son beau grand chien labernois, a dû prendre sa retraite en décembre après 12 ans et demi de loyaux services.
Depuis, Mme Poirier ne peut plus faire grand-chose. « Je ne peux pas conduire mon fauteuil motorisé à l’extérieur quand je n’ai pas de chien. Il faut que ce soit en fauteuil manuel et pour ça, j’ai besoin que quelqu’un vienne. J’ai un ami qui vient toutes les deux semaines. »
Or, elle risque d’attendre encore longtemps avant de rencontrer son prochain chien. Les délais d’attente sont passés d’un an à deux ans en moyenne chez Mira pour les chiens-guides ; pour les chiens d’assistance, c’est six mois de plus, explique le directeur de l’organisme, Nicolas St-Pierre.
« Ce n’est pas compliqué. J’ai moins d’instructeurs, donc je produis moins de chiens », lance M. St-Pierre. L’annulation des collectes de fonds et de nombreux événements-bénéfice a privé l’organisme de précieux revenus ces derniers mois.
Avec 500 000 $ de moins sur un budget de 7 millions, Mira a dû mettre à pied près de 40 % de son personnel, dont des entraîneurs de chiens, précise-t-il.
En temps normal, la Fondation donne 180 chiens par an. En 2020, elle en a attribué 60. Ces derniers mois, tous ces chiens ont été donnés à des jeunes souffrant d’un trouble du spectre de l’autisme, à des personnes non voyantes et en fauteuil roulant n’ayant pas la capacité de respecter la distanciation avec les instructeurs pendant la formation des chiens et les remises à domicile.
Liste d’attente doublée
Cette semaine, Mme Poirier a lancé une collecte de fonds sur Internet pour « aider Mira à l’aider » à avoir un nouveau chien. L’objectif est de 40 000 $, l’équivalent de ce qu’il en coûte pour former son futur compagnon. « Je veux mettre toutes les chances de mon côté, dit-elle. C’est pas pour moi cet argent-là, c’est pour la Fondation Mira pour payer tous les frais. […] Avec la pandémie, je sais qu’ils ont vécu beaucoup de difficultés, alors j’ai décidé de donner mon coup de pouce. »
Dans la vidéo, on la voit prendre l’autobus avec Madame Mira, se rendre au jardin communautaire. Accompagnée d’un ami, elle pose devant une toile à l’acrylique représentant un bateau qu’elle a réalisé elle-même. Parce que bien qu’elle soit aveugle, Mme Poirier peint, et ce, plutôt bien (voir l’encadré). Au moment où ces lignes étaient écrites, elle avait récolté près de 12 000 $.
Chez Mira, on se réjouit de cette aide providentielle. « Je suis super reconnaissant, ça fait une grosse différence pour la viabilité de Mira », réagit M. St-Pierre. Toutefois, il prévient que la collecte de fonds de Mme Poirier ne pourra pas accélérer le processus pour son propre cas. « Ses besoins sont très particuliers », dit-il. Parce qu’elle a un double handicap (non-voyante se déplaçant en fauteuil électrique), il lui faut un animal capable d’être à la fois chien-guide et chien d’assistance.
Mais même si le cas de Francine Poirier était moins complexe, le gestionnaire souligne qu’il ne peut pas lier des collectes de fonds personnelles à la liste d’attente. « Mon but, c’est de donner les bons chiens aux bonnes personnes et ça, c’est très compliqué. » Actuellement, environ 300 personnes sont en attente d’un chien Mira, soit deux fois plus que d’habitude.
Avant de réembaucher des instructeurs, la Fondation attend de retrouver des revenus plus stables et prévisibles, poursuit Nicolas St-Pierre.
Pour la première fois de son histoire, l’organisme fondé par son père a eu recours à du financement public cette année via les subventions salariales du gouvernement. Sans cela, la Fondation aurait perdu non pas 500 000 $ en 2020, mais 1 million, évalue-t-il. Mais il n’est pas découragé : « À partir de juillet, nos programmes vont rouvrir comme à l’habitude. On va pouvoir rouvrir les classes de chiens-guides. […] J’ai tellement hâte de recommencer à donner des chiens. »