
La ruée vers les animaleries, les refuges et les éleveurs au début de la pandémie était certainement motivée par l’idée tenace que posséder un animal domestique favorise le bien-être, et encore plus en période d’isolement. Pendant la triste série de confinements covidiens intermittents, les Québécois ont ajouté environ 200 000 chats et chiens aux trois millions existant déjà dans leurs foyers.
Une étude universitaire réalisée pendant la crise sanitaire vient toutefois déboulonner en partie cette croyance liant animal et bien-être.
L’enquête par questionnaire réalisée au Canada montre que les propriétaires d’animaux de compagnie déclarent un bien-être moyen inférieur à celui des autres personnes. L’effet paraît encore plus négatif pour les gens très occupés par le travail à la maison, notamment les femmes et les personnes ayant deux enfants, mais aussi pour les chômeurs.
Il y aurait donc un effet de surcharge de responsabilités ou de tracas pendant le confinement et le télétravail, comme si l’animal de compagnie ajoutait des soucis. De plus, les petites bêtes peuvent entraîner de grandes dépenses entre les visites au vétérinaire et l’achat de nourriture.
« On voulait tester la croyance populaire voulant que la présence d’animaux domestiques soit bénéfique de façon assez uniforme pour les humains », explique Catherine Amiot, professeure à l’UQAM et cosignataire de l’enquête parue ce printemps dans Scientific Reports. « Nos résultats sont très nuancés, en fait. Les animaux ont aidé certaines personnes pendant la pandémie, bien sûr. Un animal n’a pas nécessairement le même effet sur tout le monde ; il faut comprendre cet effet en regardant le contexte de vie des gens ou l’espèce de l’animal domestique. On a réalisé cette enquête avec un esprit très ouvert pour voir ce qui se passe, sans a priori. »
La littérature scientifique va dans différentes directions. Certaines études montrent que les propriétaires d’animaux domestiques se sentent mieux ; d’autres n’établissent aucun lien dans ce sens ; d’autres encore établissent que les propriétaires de petites bêtes ont une moins bonne santé mentale que ceux qui n’en ont pas.
« Dans notre enquête, les propriétaires d’animaux domestiques rapportent un moins bon bien-être que les non-propriétaires, poursuit la professeure Amiot. Ce n’est pas une bombe sur le plan scientifique : des études précédentes avaient obtenu des résultats similaires et des études menées elles aussi pendant la COVID sont arrivées à la même conclusion. Notre étude approfondit par contre l’impact des strates sociodémographiques. »
Dans l’enquête pancanadienne, le bien-être est cerné par des autoévaluations en fonction de certains indicateurs, comme la vitalité, le sentiment de solitude, le niveau de stress ou la satisfaction de vie.
Pour les hommes et les personnes sans enfants, posséder ou pas un animal domestique ne change rien. Les gens qui ont au moins un chien à la maison ont déclaré plus de vitalité et une plus grande satisfaction de vie. Le fait d’avoir un chat ne change rien, ni positivement ni négativement. Par contre, posséder un animal domestique et s’en occuper procure plus de bonheur aux jeunes de 18 à 24 ans.
Psychologue sociale de formation, la professeure Amiot a beaucoup étudié les processus de groupe, la discrimination, les préjugés et la motivation humaine. À force, elle a constaté que bien des éléments de sa spécialité s’appliquent aussi aux relations entre humains et animaux. La théorie des relations intergroupes, par exemple, peut éclairer la nature de nos liens avec eux.
Sur une note plus personnelle, elle raconte avoir longtemps eu un grand labrador noir. « Il était très énergique, se remémore-t-elle. Il m’a amenée à réfléchir à la place qu’occupent les animaux domestiques dans nos vies. »