Denis Coderre dévoilera samedi matin les intentions de son administration concernant les pitbulls à Montréal. Mais le maire a indiqué qu’il n’envisageait pas d’emboîter le pas à son homologue de Québec, Régis Labeaume, qui a banni les pitbulls.

Le maire a expliqué qu’à la lumière des évaluations obtenues, il était d’avis que le problème n’était pas seulement attribuable à une race de chien en particulier et qu’il fallait plutôt s’attarder à l’encadrement des chiens potentiellement dangereux. « Dans les années 1970, c’était le doberman. Dans les années 1980, c’était le berger allemand. Là, on est dans les pitbulls. Ce n’est pas juste au niveau d’une race. Il y a la notion de chien dangereux. Des fois, il y a des problèmes des deux côtés de la laisse », a-t-il expliqué vendredi lors d’une mêlée de presse.

Il a laissé entendre qu’il ne comptait pas imiter Régis Labeaume, qui, jeudi, a annoncé que les pitbulls seraient bannis du territoire de la ville de Québec dès le 1er janvier 2017. Les citoyens qui possèdent un tel chien auraient six mois pour se départir de leur animal, avait dit le maire Labeaume.

Positions différentes

Dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, le maire de Québec justifiait ainsi la décision de son administration : « Comment on l’a réfléchi ? Je l’ai réfléchi en père de famille. Si j’avais des enfants à la maison et que mon voisin possédait un pitbull, comment je me sentirais ? Je ne me sentirais pas en sécurité. »

La nouvelle a provoqué un déferlement de commentaires parfois haineux sur les réseaux sociaux.

Des fois, il y a des problèmes des deux côtés de la laisse

 

Lors d’une entrevue à l’émission matinale d’Alain Gravel sur les ondes de Radio-Canada vendredi, Denis Coderre a expliqué qu’il ne se trouvait pas dans le même « état d’esprit » que Régis Labeaume. « On ne peut pas euthanasier tous les chiens comme ça », a-t-il dit.

Le maire Coderre a aussi indiqué qu’avant de prendre position, il attendait aussi d’en savoir davantage sur les causes du décès de Christiane Vadnais, survenu la semaine dernière à Pointe-aux-Trembles à la suite de l’attaque du pitbull de son voisin. Or, le coroner chargé du dossier aurait indiqué aux proches de Mme Vadnais que la mort de celle-ci avait bel et bien été causée par le chien, ont rapporté plusieurs médias vendredi.

Plusieurs municipalités québécoises ont déjà interdit les chiens de type pitbull. Mardi, la Ville de Brossard a annoncé qu’elle modifierait son règlement pour bannir ces chiens. Les citoyens qui en possèdent déjà pourront garder leur animal, mais devront se plier à plusieurs règles, soit se munir d’une assurance responsabilité publique d’un minimum de 250 000 $, prouver qu’ils ont suivi un cours d’obéissance avec leur chien et mettre une muselière à leur chien dans les endroits publics.

Pour sa part, le premier ministre Philippe Couillard a fait savoir que Québec pourrait suivre l’exemple de l’Ontario et interdire les pitbulls.

Discrimination raciale

Étudiante à la maîtrise en droit à l’Université Laval, Julie Goulet estime que ces règlements « ne s’attaquent pas réellement au problème ».

Il y a deux ans, Mme Goulet avait rédigé une analyse juridique des règlements antipitbulls dans le cadre d’un cours à l’École nationale d’administration publique (ENAP). Elle plaidait que les villes gagneraient à cibler les comportements dangereux plutôt que les espèces et que l’accent mis sur les pitbulls constituait une forme de « discrimination ».

Elle citait l’exemple de Sherbrooke où, en cas de morsure, quelle que soit l’espèce, la ville impose un examen comportemental du chien par la SPCA. Si l’organisme en conclut que l’animal est dangereux, il est euthanasié. Un tel règlement aurait-il pu empêcher le décès de Christiane Vadnais à Pointe-aux-Trembles ? Elle rétorque que c’est la responsabilité du propriétaire du chien d’être sensibilisé au caractère de l’animal, mais aussi aux voisins à surveiller ce qui se passe près de leur résidence.

Mme Goulet est elle-même propriétaire d’un chien, mais c’est un bouvier bernois. Dans son analyse, elle concluait que les règlements ciblant les pitbulls avaient pour incidence de « créer un sentiment de sécurité faussé » chez les gens. Elle reproche en outre au projet de règlement présenté jeudi par le maire Régis Labeaume de donner un délai de grâce bien court aux propriétaires.

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