Chroniques
d’une
arrivée

Après
avoir
autopublié,
il
y
a
une
quinzaine
d’années,
une
première
série
de
bandes
dessinées
de
science-fiction,
voilà
que
l’artiste
et
directeur
artistique
montréalais
Jimmy
Suzan
nous
propose
un
album
qui
se
reçoit
comme
un
coup
de
poing
en
plein
ventre.
Dans

Migrasyon
,
Suzan
raconte
comment
ses
parents
haïtiens
sont
arrivés
à
Montréal
durant
les
années
1970
après
avoir
fui
le
régime
de
Duvalier,
dans
l’espoir
de
trouver
une
vie
meilleure.
Mais
c’est
plutôt
une
vie
difficile
qui
les
attend,
avec
tout
ce
que
cela
comporte
de
violence,
de
racisme,
de
peur,
mais
aussi
un
peu
d’amitié
et
quelques
mains
tendues.
Le
dessin
est
tout
simplement
incroyable,
à
mi-chemin
entre
le

comic
book

et
le
documentaire,
alors
que
l’auteur
nous
replonge
dans
le
Montréal
de
son
enfance.
Suzan
maîtrise
parfaitement
la
couleur
et
le
découpage,
alors
qu’il
pose
un
regard
lucide,
mais
quand
même
bienveillant,
sur
sa
propre
enfance.
À
lire !


François
Lemay


Migrasyon

★★★★
Jimmy
Suzan,
La
Pastèque,
Montréal,
2025,
160
pages

Oublier
New
York

Paul
Bordeleau
est
sans
contredit
un
routier
de
la
bande
dessinée
et
de
l’illustration
au
Québec.
Œuvrant
depuis
maintenant
plus
de
30 ans
dans
le
milieu,
voilà
que
l’auteur
a
envie
de
s’attaquer
à
l’autofiction,
un
genre
auquel
il
ajoute
une
bonne
dose
de
réalisme
magique,
dans
le
but
avoué
de
s’aider
à
faire
le
deuil
de
son
ami
Gaston
Côté,
un
pilier
du
design
graphique
au
Québec.
Pour
ce
faire,
Bordeleau
revisite
un
voyage
d’étudiant
fait
à
New
York,
au
début
des
années
1990,
alors
qu’il
se
souvient
qu’un
événement
avait
rapproché
les
deux
amis,
mais
dont
il
a
oublié
les
tenants
et
aboutissants,
sa
mémoire
ayant
décidé
de
refouler
ce
souvenir
troublant.
Si
Paul
Bordeleau
nous
offre
un
album
parfaitement
maîtrisé,
particulièrement
en
ce
qui
a
trait
au
découpage,
il
se
permet
de
sortir
un
peu
de
sa
zone
de
confort
et
cela
paraît
à
certains
petits
moments
dans
le
scénario.
Cela
étant
dit,
il
s’agit
quand
même
d’une
belle
réflexion,
honnête
et
juste,
sur
le
temps
qui
passe
et
sur
notre
capacité
à
gérer
notre
passé…


François
Lemay


Au
revoir
New
York

★★★½
Paul
Bordeleau,
Nouvelle
adresse,
Montréal,
2025,
168
pages

La
brume
persiste,
les
héroïnes
avancent

Le
bédéiste
Stéphane
Fert
poursuit
de
belle
façon
sa
fable
onirique
entamée
il
y
a
deux
ans.
Plus
d’un
siècle
après
l’apparition
de
la
Brume,
fléau
qui
a
presque
rayé
l’humanité
de
la
carte,
Tempérance

l’orpheline
mi-humaine,
mi-ogresse

tente
désormais
de
percer
le
mystère
de
cette
entité
meurtrière.
La
quête
se
double
d’une
introspection
bouleversante,
cherchant
à
comprendre
la
naissance
du
mal,
et
peut-être
celle
de
l’espèce
humaine.
L’auteur
déploie
à
nouveau
tout
son
art
du
contraste,
un
récit
apocalyptique

l’humour
et
la
poésie
s’invitent
sans
cynisme.
Les
sorcières,
toujours
aussi
éclatées
et
irrésistibles,
incarnent
une
forme
de
sagesse
anarchique
face
à
un
monde

la
peur
et
la
croyance
tiennent
lieu
d’ordre.
Son
dessin,
d’une
douceur
aquarellée,
oscille
entre
la
grâce
des
enluminures
d’antan
et
la
fluidité
de
l’animation
contemporaine.
Les
teintes
mauves
et
rosées
diffusent
une
atmosphère
suspendue,
quelque
part
entre
le
rêve
éveillé
et
la
mélancolie.
Avec
ce
nouvel
opus,
Stéphane
Fert
livre
un
conte
initiatique
à
la
fois
drôle,
sombre
et
lumineux,

la
sororité
reste
la
dernière
lueur
face
à
la
désolation.


Ismaël
Houdassine


La
marche
brume.
Tome
2.
Les
chimères

★★★½
Stéphane
Fert,
Dargaud,
Paris,
2025,
136
pages

L’élégie
d’un
homme
et
de
son
chien

José
Luis
Munuera,
virtuose
du
trait
et
de
la
lumière,
adapte
avec
pudeur
et
justesse
le
roman
éponyme
de
Cédric
Sapin-Defour.
L’album
bouleversant

la
montagne,
le
silence
et
un
chien
nommé
Ubac
deviennent
les
trois
pôles
d’une
même
respiration.
Le
bédéiste
d’origine
espagnole,
connu
pour
ses
univers
d’aventure
(Sortilèges,

Les
Campbell
),
délaisse
ici
le
spectaculaire
pour
la
lenteur
du
souvenir,
la
justesse
des
émotions
et
la
beauté
des
instants
suspendus.
Chaque
case
paraît
imprégnée
de
vapeur
atmosphérique
et
d’humidité,
comme
si
la
pluie
elle-même
gardait
trace
de
la
présence
disparue.
Le
dessinateur
y
fait
dialoguer
l’homme
et
l’animal
dans
un
langage
muet,
celui
du
geste,
du
regard,
de
la
fidélité
simple.
À
mille
lieues
du

pathos
,
cette
formidable
bande
dessinée
rend
à
la
perte
sa
beauté
fragile.
Les
séquences
de
montagne
rappellent
la
pureté
du
grand
air
autant
que
la
verticalité
de
l’amour.
Empreint
de
poésie
et
de
réalisme,
José
Luis
Munuera
ne
traduit
pas
le
roman :
il
le
transpose,
en
distillant
une
émotion
diffuse
qui
s’accroche
à
la
peau
comme
une
odeur
familière.
Un
hommage
sincère
à
ce
lien
indestructible
entre
l’être
humain
et
le
vivant.


Ismaël
Houdassine


Son
odeur
après
la
pluie

★★★★
José
Luis
Munuera,
Le
Lombard,
Paris,
2025,
136
pages

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